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Prison de Zaki, un rapport accablant

 

Loubna Bernichi

 

 

Le centre de détention de Salé, Zaki, fait parler de lui. Un rapport de détenus islamistes, envoyé à plusieurs organes de presse, compare ce pénitencier à la tristement célèbre prison américaine à Cuba, Guantanamo.
Plusieurs témoignages étayent les traitements inhumains endurés. Abdelawahed El Chardoudi en est un parmi d’autres. Le rapport raconte qu’il a subi des sévices corporels et sexuels.
Suspendu nu durant sept jours dans l’enceinte de la cour de Zaki, les mains liées derrière le dos, trois gardiens dont les noms n’ont pas été évoqués, mais juste les initiales, l’ont frappé sur tout le corps. Ils ont aussi menacé de le violer ou de lui enfoncer une bouteille dans l’anus, une pratique bien répandue pendant les années de plomb. L’un d’eux s’est même amusé à jouer avec son pénis pour l’humilier.
Selon ce même rapport, Nabil Belkaada, ligoté, a été battu jusqu’aux sangs dans sa cellule. Le même sort a été réservé à Abdelhak Chouri quand il a refusé son transfert au quartier J, connu pour abriter des homosexuels. Abdelaziz Mouhaned, après un passage à tabac, a été enfermé dans un cachot avec quarante autres détenus. Youssef El Khamal a été accroché pendant plus que vingt-quatre heures sur la porte de séparation en barre de fer du pavillon J et D. Abdelaziz Rachik a été torturé durant quinze jours. Faycel Talbi a perdu la raison à cause d’une injection administrée par un gardien.
Le rapport relate aussi que l’état de santé des détenus en grève de la faim depuis le début d’octobre 2007 est dans un état grave.
Pour jeter de l’huile sur le feu, Stéphane Aït Idir et Redouane Hammadi, les deux auteurs de l’attaque terroriste contre l’hôtel Atlas Asni en 1994, condamné à mort pour le meurtre de deux touristes, sortent de leur mutisme et dénoncent dans le quotidien Assabah, les conditions inhumaines de leur détention à Salé.
Selon ses déclarations, Stéphane Aït Idir vit dans une cellule de 2 m sur 3 avec une salle d’eau intégrée. En isolement total, il se plaint de n’avoir discuté avec personne pendant dix ans et qu’il a pris du poids parce qu’il n’y a pas de moyens de faire des exercices sportifs. Même la sortie quotidienne dans la cour de la prison n’est qu’occasionnelle.
Ces récits rappelant les témoignages des victimes des années de plomb lors des audiences publiques organisées par l’Instance d’équité et de réconciliation (IER) sont fortement contestés par le ministère de la Justice. Le département de Abdelouahed Raidi, fraîchement nommé à la tête de la justice, a publié un communiqué affirmant que les informations relayées par les organes de presse sont erronées et les faits relatés sont sans fondement. La commission d’inspection dépêchée sur les lieux "n'a découvert, au terme de ses investigations, aucun élément permettant d'étayer ces allégations".
Qui croire? Le Conseil consultatif des Droits de l’Homme est invité à ouvrir une enquête sur ce sujet.
Une chose est certaine. Les prisons marocaines souffrent de tous les maux.
Surpeuplement, insalubrité, malversations, trafic de drogue, malnutrition, et autres pratiques irrégulières sont le lot quotidien d’une population carcérale qui s’accroît dans des proportions surpassant de très loin les modestes efforts déployés jusqu’à maintenant par les autorités. Le budget annuel réservé aux 59 prisons du Maroc s’élève à 300 millions de dirhams. Cela ne semble pas suffisant. Le dernier rapport de l’OMP, publié en décembre 2006, affirme que les prisonniers s’entassent de manière inhumaine dans tous les coins possibles des prisons, alors même que la capacité d’accueil des établissements n’admet souvent que le tiers des détenus qui y sont enfermés effectivement.
En dépit de la création de quatre nouveaux établissements pénitentiaires en 2005, la situation demeure toujours inquiétante. Par exemple, au lieu de 84 personnes que permet sa capacité d’accueil, la prison d’El Hoceima abrite 604 détenus. La situation dans les autres centres pénitentiaires n’est pas plus enviable que celle d’El Hoceima. Le gouvernement a tenté d’atténuer l’entassement dans les prisons par des mesures de grâce successives en faveur d’un grand nombre de détenus. Cela n’a pas pour autant réglé le problème. Le nombre des détenus provisoires - en attente de jugement— début de 2006 était de 26.636, alors que celui des amnistiés n’était que de 20.640.
En plus de ces problèmes avérés, la direction pénitentiaire fait face depuis le 16 mai 2003 aux revendications de plus en plus croissantes des détenus islamistes. Les huit cents emprisonnés dans les sept principaux centres de détention au Maroc réclament le statut de détenus politiques, alors que la loi marocaine les considère comme des prisonniers de droit commun. Le personnel pénitenciaire, peu outillé et pas du tout formé, a du mal à gérer cette nouvelle catégorie de population carcérale. D’autant plus que celle-ci leur mène la vie dure. Les détenus islamistes entament une grève de la faim tantôt pour que leur procès soit révisé, tantôt pour l’amélioration de leurs conditions de détention, tantôt pour un transfert jugé abusif. À ce propos, le ministère de la Justice précise que les transferts et la classification des détenus se déroulent dans le respect de l’intérêt général, notamment la sûreté et la sécurité de l’établissement carcéral. Et, ces procédures administratives ne peuvent en aucun cas être utilisées comme un moyen de pression.
À en croire, l’ancien directeur de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion, M’hamed Abdenabaoui, les détenus islamistes sont traités de la même manière que les autres et profitent des mêmes programmes. «Car, il n’y a pas de ségrégation.» En d’autres termes, détenus islamistes ou autres sont tous dans la même galère.
En attendant que les associations de droits de l’Homme mènent une enquête sur les cas de mauvais traitements dans la prison de Salé, les spéculations autour du poste du nouveau directeur de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion, poste vacant depuis des mois, vont bon train. Parmi les noms qui circulent, on retient celui de Abdellah Alaoui Belghiti, procureur général du Roi à la Cour d’Appel de Casablanca. Quel que soit le nom retenu, le nouveau directeur ne s’ennuiera pas.

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