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MAROC, PRISONS DE CHARME

25 Décembre 2010 , Rédigé par JOLAN

 

Les autorités américaines vont vraisemblablement dénoncer le traitement de faveur, voire scandaleux, réservé aux islamistes marocains dans les prisons. Le pays vénérant la peine de mort, qui soigne encore, et pendant des décennies, ses blessures et ses douleurs du 11 septembre 2001 ne doit pas voir d’un bon œil ce régime de faveur accordé ostentatoirement aux terroristes et à leurs idéologues. Les geôliers de la prison atypique de Guantanamo ne resteront pas seulement bouche bée en lisant l’enquête du New York Times, traduite et publiée par le quotidien al-ittihad al-ichtiraqui. Ils réagiront au moment opportun à leur manière pour rappeler aux autorités marocaines qu’ils sont toujours en guerre contre le terrorisme.

Il est vrai que le cas des islamistes emprisonnés suscite des interrogations dérangeantes sur la différence du traitement qui leur est réservé et celui que l’administration pénitentiaire fait subir aux prisonniers de droit commun. Apparemment, ces derniers ne sont pas dangereux parce qu’ils font peur seulement aux citoyens mal protégés alors que les premiers font trembler les certitudes du pouvoir, le makhzen et sa hiba.

LE CHATIMENT, RIEN QUE LE CHATIMENT

 

D’après les enquêtes faites sur les prisons au Maroc, la situation est catastrophique. Les constats dressés par l’Observatoire des Prisons au Maroc (OPM) sont catégoriques et ne laissent planer aucun doute sur la nature moyenâgeuse de l’enfermement des humains, hommes et femmes. Un résumé succinct des conditions d’incarcération dans les 59 prisons met en évidence les conditions d’existence insupportables infligées aux hors la loi. D’après les conclusions de l’enquête, les prisons marocaines sont des fabriques légales dont la mission est de reproduire des sauvages après leur libération. Personne ne peut s’autoriser de contester que la société, pour se protéger, a le droit de châtier et de faire payer chèrement les actes monstrueux commis par des individus dangereux. Seulement, les remparts des prisons marocaines coupent définitivement le lien du prisonnier avec l’extérieur, en occurrence avec ses origines humaines. La conception de l’incarcération telle qu’elle est décrite traduit que la notion de châtiment, ‘iqab, se réfère à son essence ancestrale historique: la prison est faite pour punir, voire faire disparaître, et non pour accueillir en vue de réinsérer.

Cependant, cette logique très makhzaniènne n’est pas toujours de rigueur. Les privilèges et la discrimination existent hélas dans ce lieu de châtiment où on rappelle aux uns que le makhzen est omniprésent, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, les plaintes de familles en témoignent suffisamment et que ce même makhzen est toujours prêt pour s’entendre avec ceux qui cherchent à l’anéantir.

En ce qui concerne les prisonniers de droit commun, la situation est dramatique. C’est maintenant un constat que les ONG ne cesseront pas de condamner dans les années à venir mais, hélas, vainement: ni les administrations pénitentiaires, ni les différents services de l’Etat ne sont en mesure de prendre en charge le condamné, surtout celui subissant les peines légères tout en côtoyant les grands criminels, en vue de son éventuel réinsertion dans la société.

En matière du respect de droits de l’homme, le Maroc a encore devant lui un long chemin à parcourir:

- la capacité d’accueil est en dessous de 30 000 alors que la population des condamnés et celle qui transite se situe entre 69 000 et 80 000. Sur le Dailymotion, un clip (contesté semble-t-il) tourné dans la prison de Tétouan montre les conditions impitoyables de la surpopulation. C’est pire que l’élevage des poulets aux hormones dénoncé d’ailleurs par les associations de défense des animaux dans les pays civilisés. Normalement, la superficie attribuée à un prisonnier, selon les normes internationales, est de 9m2, dans les prisons marocaines elle n’est que de 1,5m2.

- malgré cette situation catastrophique, le nombre de suicides, pour des raisons probablement religieuses, n’est pas très important. En revanche, les décès liés aux pathologies cardiaqueset pulmonaires sont importants. On constate également que beaucoup de prisonniers souffrent de différentes infections digestives et cancéreuses.

- Les rapports entre les prisonniers, on le devine dans ces conditions, ressemblent plutôt à ceux qui dominent dans la jungle. Ceux qui ont les moyens financiers s’emparent de l’univers « social ». Il y a la drogue et la corruption. Les places sont louées très chers par nombre de carreaux. Le trafic de tout genre est organisé par les plus forts en relation avec le personnel pénitencier.

Dans certaines prisons où les barons de la drogue sont « enfermés », ce sont ces derniers qui règnent en maîtres organisant à leur guise les conditions de leur incarcération, allant jusqu‘à la création de travaux rémunérés réalisés par d’autres prisonniers. La fuite spectaculaire du fameux Nino est la preuve que le châtiment dans les prisons marocaines est plus que sélectif.

Prison de Tanger (al watan al ane)

Publiée dans la Gazette du Maroc n°552, la nature des plaintes traduit cruellement les conditions de vie des prisonniers affrontés non seulement aux murailles infranchissables mais surtout aux multiples traitements que l’administration pénitentiaire leur réserve quotidiennement:

- 39% maltraitance et torture

- 30% absence des soins médicaux

- 18% transferts en dehors du lieu de résidence

- 4% problème de nourriture

- 3% refus de poursuite d’études

- 3% refus de formulation de demande de grâce

Bien entendu, chacun de nous est libre, selon sa conception du châtiment, d’apprécier ou de juger ces conditions. Certains, affectés dans leur chaire par un acte criminel ou une manœuvre frauduleuse, n’hésiteront pas à exiger davantage de sévérité et de cruauté. D’autres, plus cléments, pensant à la réintégration des récalcitrants, proposeront des voies intermédiaires respectant les parties victimes et l’application des peines réclamées et décidées par la société. Ce sont ces voies qui sont à l’origine de l’apparition de l’OPM. Cependant, pour être juste, il faut que le principe de l’égalité soit commun à toutes les catégories sociales emprisonnées. Les largesses du makhzen octroyées à certains détenus frôle le ridicule, sinon des interrogations ambiguës.

LE CHATIMENT DANS LE PETIT VILLAGE

Les familles des morts et les victimes encore en vie des attentats ne prononceront jamais la formule « Il n’ont que ce qu’ils méritent » en parlant des prisonniers islamistes. Les anciens enterrés vivant des années du plomb n’ont qu’à serrer les dents de colère ou d’amertume. Ce qu’il faut craindre dans les années à venir, ère démocratique oblige, est que les terroristes et leurs cheikhs théoriciens réclameront la création d’une commission d’indemnisation pour les souffrances endurées dans les prisons de la monarchie alaouite. A voir de près leurs conditions d’emprisonnement, il sera parfaitement logique qu’ils revendiquent encore plus de compensations pécuniaires à la société injuste et à l’Etat tortionnaire.

Les arabes et les musulmans se plaignent légitimement de l’image négative à travers laquelle les Occidentaux les voient et les jugent. Il est certain que cette image est faite de préjugés et de clichés que l’histoire véhicule de génération en génération. L’apparition du radicalisme a produit d’autres images en rapport avec les attentas et les guerres récentes en Afghanistan et en Irak, sans oublier bien entendu l’éternel conflit au moyen-orient. Mais les arabes et les musulmans ont-ils vraiment la volonté politique et culturelle pour mettre fin à cette façon de se voir par l’autre? Ce n’est pas évident.

Les lecteurs du New York Times vont être surpris, voire choqués, après la lecture de l’enquête au sujet des détenus islamiques aux Maroc. Leur pays qui mène une guerre sans merci contre le terrorisme, parfois, pour des raisons purement liées à la politique intérieure, réagira à sa façon surtout quand la menace se concentre actuellement dans les zones subsahariennes, c’est-à-dire à proximité des territoires que le Polisario veut s’accaparer pour des raisons géostratégiques du voisin algérien.

Les journalistes du pays de Guantanamo décrivent l’absurde, le ridicule et la honte. Le quotidien marocain assabah, qui publie lui aussi la traduction de l’enquête n’hésite pas à imprimer en gros les titres: « les prisons sont le paradis des salafistes sur la terre du Maroc » et « prisonniers transforment leurs cellules en maisons de fatwas ».

Allongé sur le lit, tortillant les mèches de ses cheveux et caressant les bouts de sa barbe teinte de henné, Ahmed Rafi, dit abou jihadiyines ne donne pas l’impression d’une personne enfermée. Les avantages dont le grand moujahid bénéficie sont multiples et variés, ils indiquent tout simplement qu’il se repose aux frais du contribuable, de la société contre laquelle il n’hésitera pas, une seconde, une fois sa peine purgée, à faire disparaître ses références séculaires. Ahmed Rafi reconnaît qu’il est bien traité et qu’il n’a pas subi de maltraitance ni lors de son interrogatoire ni pendant son incarcération. Invité plutôt qu’enfermé, il mène la belle vie en prison avec des avantages qu’il n’aurait pas pu rêver obtenir en étant libre. Grâce à la générosité et la miséricorde du Seigneur, il bénéficie de:

- il occupe une pièce entière à lui tout seul, séparé d’un jardin privé par un simple rideau et il dispose d’une salle de bain personnelle alors que les prisonniers de droit commun, se trouvant dans d’autres quartiers de la prison, vivent entassés les uns sur les autres et subissent des conditions d’hygiène et sanitaires désastreuses;

- sa pièce est équipée de deux postes de radio et d’un téléviseur;

- sa cuisine est approvisionnée trois fois par semaine par ses deux épouses.

Ce n’est pas tout. L’Etat, le makhzen néglige pas la sexualité de ses farouches ennemis. Il pense à leur plaisir sexuel et à doter leur quartier de chambre de plaisir dite khalwa char‘ia. Le Makhzen, réputé par sa cruauté à travers l’histoire s’est tout simplement, par la puissance d’une règle religieuse pervertie, transformé en maquerelle des assassins d’innocents. Les captifs du Prophète et des Califes jouissaient-ils d’une khalwa où ils pouvaient s’isoler avec leurs épouses pour satisfaire leur instinct sexuel? On pense bien entendu à la situation dramatique des prisonniers de droit commun, univers où doit régner l’homosexualité forcée et les viols subis par les faibles, des mineurs tout particulièrement. Il semble que les islamistes célibataires envient douloureusement l’acquis de leur cheikhs et réclament la possibilité de se marier en tout halal.

Épouses et khalwa (photo assabah)

Les journalistes citent aussi le cas de Hassan Kettani qui occupe, à lui seul, une partie spacieuse dans la prison. Le cheikh, issue d’une grande famille marocaine, considéré comme le théoricien du mouvement salafiste, avait demandé de changer ses habits avant de se mettre devant la caméra. Apparemment, le théoricien dispose d’une garde robe privée bien fournie.

Dans la prison d’Oukacha de Casablanca, les détenus islamistes bénéficient d’un régime très souple. Le personnel pénitentiaire soutient que ce sont eux qui dictent les règlements régissant leur vie quotidienne. C’est un petit village, précise le directeur de la prison. Les cellules accueillant trois islamistes au maximum restent ouvertes toute la journée. Faut-il rappeler que la superficie des mêmes cellules rassemblent plus de 22 prisonniers de droit commun. La fréquentation de la pièce dite de khalwa char’ia débute dès 6 heures du matin.

Comme activités sportives, les islamistes pratiquent des sports divers, s’initient aux arts martiaux et organisent des combats de boxe. Lors des fêtes de ‘aïd al kabir, ils égorgent les moutons et leur cuisinier exhibe avec grande joie les couteaux tranchants.

Il est vrai que les détenus islamistes avaient subi un traitement inhumain au début de leurs arrestation (Tel Quel n° 168, Outita II). Grâce à leur ténacité, à la mort d’un des leurs après une longue grève de la faim et grâce également à leur capacité à faire communiquer vers l’extérieur la description de leurs conditions de vie, les autorités s’étaient trouvées obligées de leur assurer un cadre de vie convenable compatible avec les raisons de leur incarcération. En toute vraisemblance, ils jouissent d’un statut particulier indéfinissable dans l’histoire de la prison marocaine. Sont-ils des terroristes fous dangereux? Ou sont-ils seulement des éléments à craindre? .

Cependant, conscients de leur pouvoir et de la peur qu’ils font planer sur le pays, les islamistes ne cessent d’exiger davantage de privilèges. Ainsi, le quotidien assabah publie leurs 15 dernières revendications qui débutent par l’abonnement gratuit à internet jusqu’à l’obtention de renouvellement des couvertures et l’augmentation de leur nombre en passant par davantage d’amélioration des conditions de vie ordinaires touchant à l’hygiène, à la nourriture et l’organisation des cours de théologie. Bien entendu, la jouissance sexuelle et les obligations imposées par la polygamie est une revendication magistrale: les islamistes demandent de bénéficier davantage de temps consacré à la khalwa en se fixant eux même le temps correspondant exigé par la situation individuelle. La liste des revendications est à la fois étonnante et scandaleuse. Une chose est certaine, le makhzen cédera.

MAKHZEN, GARANT DES KHALWAS

Le lecteur américain en tirera ses conclusions que ses compatriotes pourront lire dans le courrier des lecteurs. Les esprits de ceux qui réclament la disparition de la prison indéfinissable de Guantanamo seront envahis par des interrogations parfaitement légitimes sur le traitement réservé par les autorités marocaines aux terroristes et à leurs théoriciens. Sur le plan humain, l’incarcération posera toujours le problème de la notion de la liberté et de ses entraves. Guantanamo est une prison pour protéger la liberté contre ceux qui veulent la faire supprimer sur terre. C’est une conception américaine inventée pour contrer la terreur. Elle répond ainsi à la terreur par la vengeance aveugle insatiable. L’enquête des journalistes trouble aussi bien le Marocain encore traumatisé par les récits de Tazmamart, lieu de châtiment suprême du makhzen infligé à ses ennemis, que l’Américain, spectateur des films en noir et blanc vantant les exploits des parrains de la mafia et de la camorra dans des prisons infranchissables. Cependant, les quartiers des prisons réservés aux radicaux marocains est un cas à part dans les annales de l’emprisonnent des humains. C’est la conjugaison du fantasme et du ridicule.

L’Américain ne lira pas seulement l’enquête. Il imaginera abou jihadiyines dans son univers des mille et une nuits. Un pacha allongé sur le sofa tortillant les mèches de ses cheveux et caressant sa barbe teinte de henné tout en méditant, les yeux évasifs sur les bulles du bocal de son narguilé. Dans la pièce annexe, ses deux épouses lui préparent son bain, parfumé de musk et sur lequel flottent les pétards de roses, pour les ablutions majeurs après avoir satisfait et son propre désir et les leurs. Il y a aussi l’autre Américain qui verra le cheikh, chef de moujahidines préparant ses hommes à égorger davantage d’Occidentaux infidèles en s’entraînant sur les moutons de l’aïd. Celui-ci, dit Américain moyen, est le prototype des millions de ses compatriotes sur lequel compte les amis de Bush pour approuver au Sénat les budgets menant les guerres tous azimuts contre le terrorisme.

Khalwa du cheikh

les Marocains, quant à eux, en lisant la traduction publiée par al-ittihad al ichtiraqui et le dossier d’assabah se contenteront d’invoquer la clémence du Seigneur pour les protéger eux et leur progéniture. Que faire de plus? Eux aussi ont le droit d’imaginer à leur façon la prison et ses khalwas. Le makhzen assis à même le sol en tailleur devant le rideau de la pièce des plaisirs islamistes, chronomètre à la main. En face de lui, en file d’attente, les moujahidines se tordent les jambes en position d’urgence absolue comme s’ils étaient devant la porte des wc exagérément occupés. De temps à autre le makhzen, jette un coup d’œil sévère et impatient sur l’instrument moderne, glisse sa tête derrière le rideau et presse le couple en ébats halal d’accélérer l’instant de jouissance. La file est longue et qu’il n’a pas que cela à faire, persiste-t-il à rappeler aux jouisseurs en attente. De l’autre côté, partie invisible menant à l’extérieur gérée par l’adjoint du makhzen, son directeur des ressources humaines en quelque sorte, une autre longue file d’attente d’épouses et de co-épouses se préparent au combat sacré. L’adjoint intervient souvent pour séparer les coépouses se disputant la priorité d’absorber le premier jet du cheikh.

Autrefois, le mot Khalwa évoquait dans l’imaginaire du musulman le lieu vénéré, une grotte en général, où s’isolait le soufi consacrant sa vie à l’amour de Dieu et à la dévotion. Aujourd’hui, en ajoutant le qualificatif char’ia, inscrivant ainsi la pièce des plaisirs sur le registre des obligations religieuses à satisfaire par le makhzen, le lieu symbolique de la dévotion est devenu synonyme du…bordel.

 

12 janvier 2008

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