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Haro sur les geôliers

L’Observatoire marocain des prisons est formel. Dans le rapport qu’il vient
de rendre public, il relève une série de problèmes liés, entre autres, à la capacité d’accueil des établissements pénitentiaires. Laquelle ne dépasse guère les 39.000 places alors que la population carcérale régulière est de l’ordre de 55.000 et si on y rajoute l’ensemble des détenus qui transitent annuellement
par les prisons, ce nombre passe à 80.000.

Rachid Sami

 


• Les prisonniers malades de Oukacha souffrent doublement.

 

L’observatoire marocain des prisons (OMP), une ONG créée en 1999 pour défendre les droits de prisonniers, vient de publier officiellement son rapport annuel sur la situation qui prévaut à l’intérieur des établissements pénitentiaires. Un rapport accablant qui ne fait point honneur à notre pays et jette une ombre sur le tableau des acquis réalisés jusqu’à l’heure en matière de droits de l’homme. Le document décrit avec force détails la sinistre réalité de l’univers carcéral au Maroc. Des chiffres alarmants retiennent d’emblée l’attention: la population carcérale régulière est de l’ordre de 55.000 et si on y rajoute l’ensemble des détenus qui transitent annuellement par les prisons, ce nombre passe à 80.000 alors que la capacité d’accueil des 44 établissements composant le système carcéral ne dépasse guère les 39.000 places. Les rédacteurs du rapport donnent à ce sujet des exemples sur les prisons les plus surpeuplées à la tête desquelles vient celle d’Inezgane avec un taux d’occupation frôlant les 200%. «Les personnes qui y sont détenues ne réclament qu’une chose : pourvoir dormir. Car cette prison ne dispose d’aucun lit », déplore le rapport.

Règles

La surpopulation des prisons prend des dimensions encore plus alarmantes lorsque l’on sait que la conception selon laquelle la place est définie par l’administration pénitentiaire est loin de correspondre aux normes internationales. L’OMP note que ladite administration opte à ce sujet pour un principe vague qui se cristallise autour de l’idée «une place confortable pour chaque détenu» et non les neuf mètres carrés retenus par les règles minima de traitement des détenus. Pis encore, le rapport lève le voile sur le trafic illégal des places au sein des prisons. La place est vendue parfois par carreaux et à des prix exorbitants.

Corruption

Rédigé en une vingtaine de pages, ce document est la synthèse des rapports des visites effectuées par les membres de la commission d’observation et de suivi relevant dudit observatoire. Au Total, une quinzaine de visites faites entre février et juillet 2000. Le rapport est aussi meublé par une série d’entretiens réalisés auprès des responsables de l’administration pénitentiaire, des détenus et de leurs proches. Des données statistiques et objectives collectées auprès de ladite administration sont également données par le rapport.
En plus de la surpopulation, le rapport livre une liste exhaustive des maux qui gangrènent les établissements pénitentiaires. Au menu, les abus sexuels à l’encontre des mineurs, les maladies contagieuses qui font ravage, les soins médicaux précaires et inappropriés, les conditions d’hygiène chaotiques, la corruption…
Concernant les abus sexuels dont sont victimes les mineurs incarcérés des fois à l’âge de 12 ans pour vagabondage ou mendicité, le rapport note que l’entassement pêle-mêle des mineurs et des adultes est la cause principale de ces méfaits. Sur le registre des maladies contagieuses et autres dont souffrent les prisonniers à défaut de soins médicaux appropriés et d’une bonne hygiène, le rapport relève que la gale fait des ravages parmi la population carcérale surtout parmi les mineurs. «Les plus touchés arrivent difficilement marcher et doivent parfois attendre quinze jours avant de voir le médecin ». Le diagnostic établi par l’OMP fait également état de plusieurs autres maladies toutes aussi courantes que la gale, la tuberculose, les rhumatismes, les dermatoses, les ulcères à l’estomac et les maux de dent.
Côté alimentation, les menus servis à la table des taulards ne sont que des amuse-gueules. «De faible quantité et de qualité médiocre, la nourriture est souvent rejetée par les détenus. Elle n’est ni nutritionnelle, ni propre et souvent elle refroidit avant même d’atteindre son destinataire », note le rapport de l’OMP.

Fouilles

Mais les choses ne s’arrêtent point là puisque les provisions et repas que ramènent les familles à leurs proches détenus font l’objet de fouilles minutieuses et arrivent dans un état pitoyable à leurs bénéficiaires, rapporte le rapport. Témoignages des familles et détenus à l’appui, le rapport indique que ces derniers se voient obligés de verser «une dîme pour que le panier ne soit pas fouillé». «Une dîme» qui varie entre 10 et 20 dirhams selon les établissements, sans compter les «parts» prélevés en nature, précise-t-on de même source. Cet état de choses fait ressortir un autre problème, celui de la corruption. Le rapport souligne à ce sujet que ce fléau de société est «l’un des vecteurs puissants dans le microcosme carcéral où il est impossible de trouver une place pour dormir sans être protégé ou acheter ses droits (…) Dans ces lieux, tout se vend, tout s’achète, même la conscience de certains surveillants véreux et celle de certains directeurs mafieux».
Le rapport de l’OMP lève ainsi le voile sur la réalité accablante de l’univers carcéral au Maroc et décrète «la faillite totale du système pénitentiaire axé sur le tout sécuritaire». Certes, les rédacteurs de ce document notent avec satisfaction l’adoption de la loi 23/98 régissant l’organisation des établissements pénitentiaires mais déplorent que «la lourdeur de l’administration, son centralisme excessif, ses habitudes désuètes et ses réflexes impertinents pèsent encore de manière forte sur la mise en application réelle de cette loi ».


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