Un prisonnier au Maroc mange pour 3 DH par jour!
Quelques centimes pour son hygiène et ses dépenses de santé
La “Nachra Ihsaïa” (bulletin statistique) de la direction des prisons relevant du ministère de la Justice tombe à pic. Le bulletin est en fait un rapport chiffré sur la situation carcérale au
Maroc. L'administration pénitentiaire, qui en est l'auteur, est la première à être montrée du doigt par son propre rapport. Elle n'est pas la seule. Le Parquet apparaît aussi comme largement
responsable de la situation qui prévaut. Ceci notamment à cause du recours élevé à la détention préventive.
Ainsi, à fin 2001, la population carcérale s'est située à 57.308 détenus dans les 46 prisons du Royaume. La population ayant effectivement transité par les prisons durant toute l'année est de
l'ordre de 88.874 détenus. La différence est constituée entre autres par les personnes placées en détention préventive. Côté budget, les dépenses de l'Etat sont dérisoires. L'enveloppe réservée à
l'alimentation a atteint en 2001 quelque 100,15 millions de DH, ce qui nous ramène à un budget de nourriture quotidien par prisonnier de 3 DH. Une raison plus que suffisante pour améliorer les
structures d'accueil pour les visiteurs qui, eux, pallient, bon gré mal gré, les carences de l'Etat à raison de 1,4 million de paniers par an.
Les dépenses de santé sont plus parlantes. Le budget quotidien en médicaments par prisonnier est de 34 centimes, soit, nous avons calculé, un demi-comprimé d'aspirine par jour. Et ce n'est pas
tout. Le budget des soins (visite de médecins et hospitalisation) n'a pas dépassé depuis 1998 les 400.000 DH par an, soit une dépense annuelle de 4,5 DH par détenu, soit 1 centime par jour. En se
référant aux statistiques de l'OMS, le Marocain (libre bien sûr) dépense en moyenne 4 DH par jour pour ses frais de santé. Les détenus apparaissent ainsi non pas comme des exclus de la société,
mais de la vie tout court.
Le rationnement en eau et en électricité se fait aussi au compte-gouttes au détriment de l'hygiène. Chaque prisonnier coûte à l'Etat 75 centimes en eau et près de 30 centimes en électricité. Ces
montants représentent respectivement le tiers et le quart d'une unité de la Lydec pour particulier. Quantités qui doivent normalement servir à l'alimentation, l'hygiène personnelle, sanitaire et
entretien des bâtiments.
Les geôles doivent en principe inciter à tout, sauf à la récidive.
Adil HMAITY pour l'économiste